J’ai déjà publié sur ce site un très long article sur l’apprentissage des tables de multiplication, également disponible au format pdf.
L’idée de cet article-ci est de répondre plus précisément aux questions de certains parents qui cherchent des alternatives à l’apprentissage traditionnel des tables de multiplication pour des enfants qui débutent, en CP ou CE1, ou bien qui commencent apprendre les tables jusqu’à 10, en CE2, et qui les revoient jusqu’en CM2 et parfois même en sixième.
Existe-t-il des moyens d’apprendre autrement les tables de multiplication ?
Comment peut-on apprendre les tables de multiplication en s’amusant ?
Existe-t-il des astuces pour réviser les tables de multiplication sans s’énerver ?
Mon enfant trouver que l’apprentissage des tables de multiplication est difficile, comment puis-je l’aider ?
Etc.
Avant toute réponse, je souhaiterais insister sur le fait que la répétition est une aide précieuse à la mémorisation. Répéter les tables de multiplication n’est pas inutile.
Toutefois, il est vrai que l’on peut s’interroger : la répétition doit-elle toujours prendre la même forme, celle d’égrener les tables une à une, de les réciter, souvent sans plaisir particulier ?
À titre personnel je pense que non.
Et pourquoi ne pas varier les plaisirs ? Les alternatives sont plurielles.
Plaisirs ?
Oui, je le pense : il est possible de réviser ses tables de multiplication avec plaisir et en s’amusant, afin de favoriser les automatismes.
Deux préalables sont toutefois nécessaires selon moi :
1/ l’enfant doit avoir compris ce que représente une multiplication. Car on retient mieux ce que l’on comprend. Ainsi, par exemple, la commutativité (le fait qu’une multiplication dans un sens ou dans un autre donne le même résultat) peut être comprise en manipulant des paquets de billes (ou de perles ou de clémentines, etc.) : 3 tas de 4 billes représentent 12 billes ; 4 tas de 3 billes aussi !
2/ un adulte référent – un parent, un(e) baby sitter, un grand-parent, par exemple – doit accepter de jouer le jeu et prendre part aux activités ludiques, sans s’énerver, sans punir et en se montrant à l’écoute. Il s’agit de créer un cadre agréable et un moment de partage privilégié afin que l’apprentissage des tables de multiplication s’apparente à un moment de détente et non de stress.
Ceci étant dit, voici quelques pistes pour rendre la mémorisation et la révision des tables de multiplication ludique.
1/ Jouer à des jeux de société
Plusieurs éditeurs ont pensé à nos chères têtes blondes (ou brunes, ou rousses, ou autres !) et conçu des jeux de société visant à rendre la mémorisation des tables moins laborieuse.
Des jeux comme MultipliPotion (un jeu de cartes qui permet de capture des monstres grâce aux multiplications), MathSumo (un jeu original qui permet de réviser ses tables de multiplication à partir des produits, Folix (un jeu de memory bien pensé), Tam Tam MultiMax (sorte de Dobble des tables de multiplication) ou Le Rallye des Chiffres (jeu de course qui nécessite de réussir à calculer le résultat d’additions ou de multiplications selon le niveau choisi pour avancer son pion) offrent la possibilité de travailler ses tables tout en s’amusant !
Kingdomino n’a, pour sa part, pas été pensé comme un jeu éducatif. La mécanique du jeu est originale mais, stratégiquement, on ne peut gagner que si l’on connaît ses tables de multiplication !
D’autres jeux s’appuient sur le calcul mental et nécessitent de connaître ses tables de multiplication pour avancer. Citons, par exemple, Multiplicaboost (sorte de jeu de l’oie intergalactique) et Opération Amon-Rê (qui mêle Mission Impossible et Le Compte est Bon !).
Un peu plus austères mais également très efficaces pour s’exercer en s’amusant : Educ4 “Jeu de calcul” (le calcul est indispensable pour avancer sur le plateau) et Mathador (qui associe mécanique du jeu Le Compte est bon et défis), pour les enfants plus grands.
2/ Inventer ses propres jeux
Si les jeux du commerce sont synonymes de convivialité et de plaisir, la fabrication de ses propres jeux ajoute :
- une possibilité supplémentaire de mémoriser (écrire 2×3=6 sur une carte apporte l’opportunité d’ancrer les notions écrites dans le cerveau par le geste d’écriture, par exemple)
- une certaine fierté d’avoir fabriqué quelque chose par soi-même
- et l’envie de jouer (pour tester ce que l’on vient de fabriquer)
En découpant des cartes dans du carton ou des fiches Bristol il est ainsi possible de fabriquer un jeu de memory ou un jeu de Mistigri, deux jeux qui permettent d’associer une multiplication et son produit.
Il est également facile de concevoir deux sets de 10 cartes numérotées de 1 à 10 afin de jouer à un memory des “carrés”, par exemple : une fois les cartes réalisées, vous pourrez ensuite disposer les cartes faces cachées comme pour jouer à un jeu de memory classique. Chaque paire retournée sera remportée par le joueur qui les découvrira si et seulement s’il est en mesure de donner le produit des chiffres retournés. Lorsque, par exemple, 2 et 2 seront découverts, le joueur ne pourra remporter les cartes que s’il énonce 2×2=4. De même lorsque deux cartes 6 seront dévoilées, le joueur ne pourra remporter ces cartes-ci que s’il dit à haute voix 6×6=36. Et ainsi de suite… (Si vous ne souhaitez pas fabriquer ce jeu, il est également possible d’y jouer avec un jeu de 54 cartes traditionnel ou avec un Uno. Il suffit pour cela de ne conserver que deux sets de cartes numérotées de 1 à 10 ; ou de 0 à 9 pour le Uno).
Repérée sur internet, cette idée de jeu m’a également paru amusante et très simple à mettre en place avec, en plus, la particularité de pouvoir mettre en évidence les tables qui posent le plus problème à l’enfant. L’idée : inscrire chaque multiplication jusqu’à la table de dix sur un petit morceau de papier qu’il faut ensuite placer dans un contenant (un bocal, par exemple, une boîte, etc.). Le jeu consiste à piocher, au hasard, l’un de ces morceaux de papier avant de lire la multiplication et d’énoncer à voix haute le résultat. Si le produit est correct, le papier est posé à côté de la boîte, sinon il est replacé dedans.
À cet exercice ludique (le fait de piocher et de découvrir, grâce au hasard, la multiplication à résoudre plaît aux enfants) peut être ajouté le fait de remplir une table de Pythagore. Une table de Pythagore est un tableau à double entrée avec des en-têtes de colonne et de lignes numérotées de 1 à 10 (par exemple car on peut avoir autant de lignes et de colonnes qu’on le souhaite). Ces en têtes indiquent les facteurs de la multiplication. Le résultat des multiplications doit figurer à l’intersection des chiffres concernés.
Remplir ou fabriquer une cocotte en papier des tables de multiplication, puis jouer avec, peut également s’avérer amusant. Des modèles et tutoriels sont accessibles sur internet.
3/ Profiter du moindre temps mort pour réviser et s’amuser
Une feuille, un stylo suffisent pour faire des maths en s’amusant dans n’importe quelle salle d’attente !
Voici par exemple, deux jeux très simples pour réviser les tables de multiplication.
J’ai baptisé le premier « Colonne contre colonne ».
Sur l’une des feuilles, tracez un tableau comportant autant de colonnes que de joueurs, étiquetées au prénom de chacun, ainsi que 11 lignes : 10 lignes numérotées de 1 à 10 + une ligne Total. Sur l’autre feuille, découpez une série de dix petits morceaux de papier numérotés de 1 à 10 que vous plierez de telle façon que le nombre noté ne soit pas visible.
À tour de rôle, chaque joueur pioche et déplie un petit papier.
Tous les joueurs commencent à la ligne 1. Le joueur dont c’est le tour pioche un petit morceau de papier qui lui indique le facteur de la multiplication : il multiplie le chiffre indiqué par l’en-tête de la ligne par le nombre dévoilé par le petit papier pioché. Il indique le résultat dans la case correspondante. Le deuxième joueur prend ensuite la main.
La partie s’arrête lorsque chacun a rempli sa colonne.
Le gagnant est celui qui obtient le total le plus élevé.
Si vous disposez d’un dé à 10 faces, la découpe du papier à tirer au sort n’est bien sûr pas utile. Il suffit de lancer le dé pour jouer !
Le deuxième jeu que je vous propose a été baptisé « Le Jeu de la Table » par Éric Trouillot, professeur de mathématiques, inventeur du jeu de société Mathador.
Reprenons, ici, la table de Pythagore : les joueurs tracent un tableau à double entrée de 10 lignes et 10 colonnes en plus des en têtes numérotées de 1 à 10.
Comme le précise Éric Trouillot, « l’idéal est de disposer de 2 dés à 10 faces de deux couleurs différentes, l’un correspond aux lignes et l’autre aux colonnes. À tour de rôle, chacun lance les deux dés et doit trouver le produit des deux nombres obtenus par les deux dés. Si on ne possède pas deux dés à 10 faces, on peut les remplacer par des cartes à jouer, par exemple de 1 à 10 cartes noires pour les lignes et de 1 à 10 rouges pour les colonnes. On peut fixer un délai maxi pour donner la réponse. La réponse doit être validée par l’ensemble des joueurs et ensuite inscrite dans le tableau. »
Le gagnant est celui qui totalise le plus de réponses de sa couleur.
D’autres idées de jeu qui ne nécessitent que très peu de matériels sont détaillées dans l’article “Occuper ses enfants quand l’attente est longue et les exercer en même temps au calcul mental : 5 idées ludiques”.
Psst… : entre nous, une simple partie de Pierre-Feuille-Ciseaux suffit. Chaque joueur cache ses mains puis dévoile un chiffre à l’aide de ses doigts. Le premier à donner le résultat de la multiplication remporte la manche !
4/ Lancer des défis
Les défis peuvent ici, être de différentes natures.
a/ Avec les objets du quotidien
Demandez, par exemple, à votre enfant de trouver dans la maison, 3 fois 4 paires de chaussettes ou bien 3 fois 4 livres, etc.
b/ En cherchant les réponses disséminées dans la maison
Vous pouvez également adopter une posture de type escape game…
Préparez une vingtaine de problèmes que l’enfant devra résoudre grâce à des multiplications. Posez ensuite les réponses notées sur des post-it ou de simples feuilles de papier dans la maison, en évidence (ou cachées selon le temps que vous souhaitez y consacrer).
Expliquez à votre enfant qu’il va devoir résoudre des énigmes et trouver les réponses. Il devra vous ramener les étiquettes une à une, énigme après énigme. Tout cela dans un temps imparti que vous déterminerez.
Pour pimenter le tout, ajouter quelques mauvaises réponses éparpillées par-ci, par-là et ajouter un effet d’ambiance. Vous pouvez, par exemple, afficher un compte à rebours sonore comme celui-ci : https://youtu.be/xTczn5RUgnk.
Quelques exemples de problèmes : Luc a trois petits sachets de billes de huit billes chacun. Combien possède-t-il de billes en tout ? Cécile doit préparer le dîner pour cinq personnes. Elle souhaiterait que les convives puissent, chacun, manger au moins trois clémentines en fin de repas. Combien de clémentines doit-elle acheter au minimum ?
Il est également possible de partir d’un produit et demander à l’enfant de trouver la multiplication qui correspond (les étiquettes seront alors des multiplications ; les énigmes seront du type « quelles sont les multiplication dont le résultat est 24 ?», avec dans ce cas plusieurs étiquettes « multiplication » à trouver).
c/ En remplissant une table de Pythagore
Reprenons, ici, l’idée d’un effet sonore, avec un compte à rebours. Deux dés à 10 faces. Ou bien des cartes, deux sets de 1 à 10, l’un rouge, l’autre noir. Au lieu de jouer contre un adversaire, il s’agit ici de lutter contre la montre. Les dés ou les cartes piochées indiquent les facteurs à multiplier. L’objectif remplir un maximum de cases de la table de Pythagore avant la fin du timer (pour un temps de 5 minutes : https://youtu.be/xTczn5RUgnk, pour un temps de 3 minutes : https://youtu.be/RK27RX54EJU).
5/ Écrire une poésie ou une chanson
Le saviez-vous ? Les tables multiplication ont été mises en poésie en 1947 par Jean Tardieu. « Il était une fois, deux fois, trois fois … ou La table de multiplication en vers » est le nom du recueil qui, en dix poèmes illustrés, permet aux enfants de revoir leurs tables grâce aux rimes ! (D’ailleurs l’ouvrage a été réédité par Gallimard sous le titre « Je m’amuse en rimant »).
Les rimes sont parfois approximatives mais qu’importe ! Les poésies racontent des histoires qui plaisent aux enfants.
La table de trois fait partie de mes préférées. Son titre : « Les Trois Mousquetaires ou Le collier de la Reine », pour un texte à la fois épique et poétique !
Les Trois Mousquetaires Vont en Angleterre ;
Leur habit porte une croix, Trois fois un, trois.
Penchés au bord du bateau, Ils voient leur reflet dans l’eau,
Athos, Porthos, Aramis ! Trois fois deux, six.
Puis, ayant quitté la nef,
Trois fois trois, neuf.
Les Mousquetaires en décousent,
Trois fois quatre, douze.
Avec des ducs et des princes,
Trois fois cinq, quinze.
Courent, complotent, s’agitent,
Trois fois six, dix-huit.
Car il leur faut, d’ici demain,
Trois fois sept, vingt-et-un.
Trouver le collier, se battre,
Trois fois huit, vingt-quatre.
Et rapporter la cassette,
Trois fois neuf, vingt-sept.
Pour que la Reine soit contente,
Trois fois dix, trente !
En lisant ce recueil, l’un de mes enfants, inspiré, a écrit son propre poème mélangeant, cette fois-ci les tables.
Je vous invite également à essayer d’écrire des chansons ? Sur un air connu ou inventé. Dire les multiplications, trouver des rimes : tout cela est très amusant.
Pour conclure
Sont décrites ici cinq pistes ludiques mais d’autres sont bien sûr possibles. Cette liste est loin d’être exhaustive.
Quid des jeux en ligne et des applications sur mobiles et tablettes, par exemple ?
Je pense qu’il existe de bons jeux, à la fois ludiques et pédagogiques. J’espère pouvoir écrire à ce sujet mais, pour l’instant, je dois avouer que je n’en ai testé aucune, préférant mettre l’accent sur des activités sans écran.
À ce titre, la table de Pythagore me semble être un outil à la fois pédagogique et ludique (je vous en plus dans cet article).